En dépit des recommandations successives de la communauté internationale pendant 2010 de suspendre les activités de la controversée mine Marlin de Goldcorp, la mine à ciel ouvert continue ses opérations. Sa présence dans les municipalités autochtones de San Miguel Ixtahuacán et Sipacapa a provoqué des allégations de graves violations des droits de la personne et des perturbations sociales.
En février, l’Organisation internationale du travail (OIT) a recommendé la suspension de la mine Marlin pour avoir omis de garantir le droit des communautés au consentement préalable, libre et éclairé, selon la Convention 169 de l’OIT. Quelques mois plus tard, suite à sa visite au Guatemala, le Rapporteur spécial des Nations unies sur la situation des droits de l’homme et des libertés fondamentales a réitéré que les projets qui ont des répercussions importantes sur les droits des peuples autochtones, comme la mine Marlin, ne devraient pas être mis en oeuvre sans le consentement des populations autochtones affectées.
Puis, le 20 mai 2010, la Commission interaméricaine des droits de l’homme (CIDH) a aussi ordonné au gouvernement du Guatemala de suspendre la mine Marlin, afin de garantir la sécurité des défenseurs des droits de la personne et des droits environnementaux pendant la réalisation de son enquête sur les plaintes reçues. Le gouvernement du Guatemala a accepté mais n’a pas exécuté l’ordre.
Entre-temps, d’après certaines informations les menaces contre les militants auraient augmenté, alors que des inquiétudes persistaient quant au rôle de la mine concernant la pollution des sources locales d’approvisionnement en eau, l’assèchement des puits, les maladies cutanées et les fissures des maisons.
En novembre, une délégation d’une coalition internationale contre l’exploitation minière injuste au Guatemala (International Coalition Against Unjust Mining in Guatemala (CAMIGUA)) a visité des communautés dans la municipalité de San Miguel Ixtahuacán, dans le département de San Marcos.
CAMIGUA travaille avec ses partenaires du Guatemala pour appuyer les communautés affectées par les mines dans la défense de leurs territoires et des droits de la personne. La délégation incluait des représentantes et des représentants du Réseau de solidarité avec le peuple du Guatemala (NISGUA), du Center for International Environmental Law (CIEL), de Mines Alerte Canada et de Breaking the Silence.
La délégation a rencontré des membres de la population locale, des militantes et des militants, ainsi que des dirigeantes et des dirigeants d’églises, d’organisations locales de développement et de groupes d’aide juridique, alliés à la lutte locale pour la défense de la terre et de communautés saines.
Francisco Bámaca vit dans la communauté de San José Ixcaniche, près de la mine Marlin. Il a travaillé pour Montana S.A., une filiale de Goldcorp, pendant l’établissement de la mine et après sa mise en opération.
Il se souvient de l’arrivée des premiers prospecteurs à San Miguel il y a quinze ans et il dit qu’on a fait croire à la communauté que les nouveaux arrivants étaient à la recherche d’orchidées et non de l’or et de l’argent. L’objectif réel du projet n’a été amplement connu que des années plus tard, après l’achat de terrains stratégiques et l’approbation par le ministre de l’Environnement et des ressources naturelles (MARN) de l’étude d’impact environnemental, souligne Francisco. Il ajoute que les impacts possibles de la mine n’ont jamais été discutés et le consentement de la communauté n’a pas été obtenu de façon adéquate.
Francisco dit que ses relations avec la compagnie ont mal tourné quand sa famille a refusé de vendre du terrain à la compagnie. Ils savaient que d’autres personnes qui avaient vendu leurs terres et avaient déménagé ne jouissaient pas d’une très bonne situation.
C’est au début de 2007, un jour où Francisco était absent du travail, qu’on l’a accusé de coups et blessures contre deux gardiens de sécurité à la mine. Il nie avoir pris part à cela et croit qu’on l’a accusé parce que la compagnie ne trouvait aucune autre raison pour se débarrasser de lui. « [La compagnie] a conclu que mes opinions ne visaient pas leur croissance », dit-il. Il est toujours aux prises avec les implications juridiques de cette accusation qui lui a valu une sentence de deux ans pendant lesquels il lui a été interdit de participer dans aucune réunion locale.
Alors qu’elle opère depuis cinq ans, on estime que la mine Marlin produira environ 58 millions de tonnes de déchets minéraux et de gangue au cours de son existence. La Commission pour la paix et l’écologie (COPAE) du diocèse de San Marcos estime que la mine utilise 250,000 litres d’eau à l’heure, soit ce qu’une famille typique de San Marcos utiliserait en 22 ans.
Depuis le début des opérations, six sources d’approvisionnement en eau se sont asséchées. En outre, une étude de l’Université de Ghent a découvert des niveaux élevés d’arsenic dans les rivières à proximité de la mine Marlin, en même temps que des results prélimaires d’une étude de l’Université de Michigan et des Médecins pour les droits de l’homme démontrent des niveaux particulièrement élevés de métaux lourds dans le sang et l’urine de personnes vivant près de la mine.
>En septembre 2010, le MARN a porté des allégations criminelles contre Montana Exploradora et il a exigé une enquête sur le déversement non autorisé des eaux résiduaires des étangs résiduels de la mine Marlin, en manifestant ses inquiétudes sur les risques de pollution de la rivière Quivichil qui se déverse dans la rivière Cuilco et en territoire mexicain.
« Ils disent que cela est du développement pour San Miguel, mais ce qu’ils développent, ce sont des maisons fissurées et des conflits sociaux », affirme Crisanta Hernández Pérez.
Notre délégation s’entasse dans la chambre de Crisanta pour constater les fissures qui zigzaguent les murs d’adobe de sa maison, dans la communauté d’Ágel. Elle nous signale une fissure qui va du plancher jusqu’au plafond et qui laisse passer l’air et la lumière.
Crisanta nous rappelle qu’elle a travaillé durement pour économiser de l’argent avant d’avoir ses enfants, afin de pouvoir payer son logement de trois pièces. Elle a travaillé dans des fermes de canne à sucre dans les basses terres, où les travailleuses et les travailleurs gagnent souvent moins que le salaire minimum. « Je ne mangeais que des tortillas avec du sel afin d’économiser de l’argent » raconte-t-elle. Bien qu’elle puisse sembler humble par rapport aux normes nord-américaines, Crisanta dit que « ceci est une bonne maison pour nous » et elle ajoute : « elle était solide ».
Crisanta blâme l’utilisation d’explosifs dans la mine avoisinante pour les dommages causés à sa maison. Selon une étude publiée en novembre 2009, des murs et des planchers fissurés ont été découverts dans plus de 100 foyers dans les quatre villages situés près de la mine. Les chercheurs ont conclu que les activités de la mine avaient fort probablement causé les dommages. Ils ont en outre indiqué que la compagnie pourrait difficilement réfuter les réclamations locales, étant donné l’absence d’une étude fondamentale avant le début des opérations.
Crisanta décrit aussi les profondes fissures dans le tissu social des communautés qui vivent près de la mine.
Crisanta, qui est maintenant mère de trois enfants, est une des huit femmes contre lesquelles un mandat d’arrestation a été lancé. Les mandats ont été émis lorsque les femmes ont fait preuve de solidarité envers une militante locale qui avait court-circuité la ligne électrique vers la mine installée sur sa terre, apparemment sans son consentement. « Je n’ai rien fait contre la compagnie pour mériter un mandat d’arrestation », déclare Crisanta. Elle croit que de telles manœuvres pour les criminaliser ont pour but de leur imposer le silence, à elle et à d’autres personnes en résistance contre la mine.
Cependant, cela ne l’arrête pas lorsqu’il s’agit de parler aux délégations internationales. Elle nous demande de façon urgente de transmettre son message, même si son franc-parler affecte ses relations avec certains voisins et parfois avec des membres de sa famille. Elle établit un lien entre de violents incidents contre sa famille et leur opposition à la mine. Des personnes favorables à la mine ont utilisé différentes tactiques d’intimidation contre les opposantes et les opposants, depuis les regards menaçants et les insultes, jusqu’aux menaces de mort et aux attaques armées. En juillet 2010, Diodora Hernández Cinto, une autre des femmes contre lesquelles il existe un mandat d’arrestation, a reçu une balle et elle a subi une blessure à l’œil.
Affligée par la façon dont sa vie tourne au pire, Crisanta dit : « Nous aimerions que la compagnie s’en aille et qu’elle paie les dommages causés à nos maisons, car ceci est déjà beaucoup trop pour nous ».
Mise de l’avant par la Banque mondiale, l’ambassade canadienne et l’industrie minière comme un modèle de développement minier à l’avenir, la mine Marlin est plutôt devenue un symbole de ce que les Guatémaltèques ne veulent pas.
Jusqu’à maintenant, dans quarante-sept référendums communautaires tenus dans tout le pays, environ 700 000 Guatémaltèques se sont prononcés contre les mines de métal. Un sondage d’opinion publique réalisé par l’Association de recherche et d’études sociales (ASIES) en octobre 2009 a de plus indiqué que 57% des Guatémaltèques qui vivent dans les régions affectées par les mines rejettent ce genre d’activités dans leur pays.
Le 20 novembre 2010, le quarante-sixième processus de consultation a eu lieu par votation dans la municipalité de Huitán, du département de Quetzaltenango. Notre délégation a observé les votantes et les votants qui se rendaient aux bureaux de scrutin et elle a rencontré des comités organisateurs locaux de la ville de Huitán et de trois communautés voisines plus petites.
Un permis d’exploration chevauchant le double de la superficie de la petite municipalité a été accordé à Montana Exploradora, propriété de Goldcorp. Il recoupe la montagne connue sous le nom de Txmuj, ou « Le Pied du nuage ». Selon des organisateurs locaux, Txmuj constitue une source d’approvisionnement en eau pour trois municipalités, alimentant deux systèmes de rivières et de nombreuses sources.
Au cours de la journée, des personnes depuis l’âge de huit ans jusqu’à cent ans ont été appelées à voter. Un organisateur a mentionné l’importance d’impliquer les enfants et les jeunes dans de tels processus, parce que « c’est leur futur héritage qui est en jeu ».
En tout, 53 % des votantes et des votants de dix-neuf communautés ont rempli leur bulletin de vote, dont 6 648 qui se sont opposés contre seulement 36 en faveur de la mine. Ceci démontre la résistance croissante contre les pratiques minières destructrices au Guatemala.
Reconnaissant que « la plus importante ressource de l’État guatémaltèque est la vie de ses citoyens », au lieu de l’or, plus de 100 organisations internationales ont signé une lettre dirigée au président Álvaro Colom, le 15 décembre 2010, pour exhorter le gouvernement guatémaltèque à suspendre la mine Marlin, en accord avec les mesures préventives émises par la Commission interaméricaine des droits de l’homme. En attendant une réponse, CAMIGUA continuera d’exprimer ses préoccupations concernant les impacts de l’exploitation minière dans un contexte de tant d’impunité, de violence et de profondes inégalités et d’œuvrer en faveur du respect des droits des communautés affectées au consentement libre, préalable et éclairé et de vivre dans la dignité.