Vincent Rességuier, Radio Canada
La société Sayona Piedmont Lithium, qui a trois projets en cours, est courtisée par certains élus et chefs d'entreprise, mais elle doit aussi composer avec une opposition citoyenne.
Rodrigue Turgeon, de MiningWatch Canada, appuyé sur un arbre en hiver.
Le militant Rodrigue Turgeon avec, en arrière-plan, l'emplacement du projet de mine Authier, à La Motte. Photo : Vincent Rességuier
Rodrigue Turgeon nous amène sur un sentier forestier de la municipalité de La Motte, en Abitibi. Les traces de pas dans la neige laissées par des orignaux et des lièvres témoignent de la faune abondante dans le secteur.
Nous suivons aussi pendant quelques mètres les empreintes d’un coyote, animal familier pour les habitués du site. "C'est un peu le gardien des lieux", plaisante le jeune militant écologiste.
Une fois arrivé au sommet de la colline, on observe, d’un côté, l'esker Saint-Mathieu-Berry, une fierté régionale, et, de l'autre, un site détenu par la société Sayona qui veut y implanter une mine de lithium.
« Le projet est situé à un jet de pierre d'une des meilleures sources d'eau potable au monde. C'est la première raison pour laquelle la population s'est soulevée face à ce projet. La deuxième, c'est que la compagnie traîne un lourd passé d'évitement des évaluations environnementales les plus rigoureuses. » — Une citation de Rodrigue Turgeon, coresponsable du programme national de MiningWatch Canada
Plus de 200 personnes ont manifesté à Amos, en mars 2019, pour que le projet Authier soit analysé par le BAPE. Photo : Radio-Canada / THOMAS DESHAIES
Le projet de la mine Authier divise la population. Il a même été un enjeu majeur lors de la campagne municipale, l'automne dernier. Rodrigue Turgeon, qui fait partie des opposants, travaille depuis peu pour l'organisme MiningWatch Canada.
Redoutant un impact négatif sur les réseaux hydrogéologiques, il a participé au combat pour que le Bureau d'audiences publiques sur l'environnement (BAPE) intervienne dans le dossier.
Une bataille qui a été gagnée, puisque le BAPE doit tenir des consultations d'ici la fin de l'année.
Des questions demeurent sans réponse, car le projet a changé de nature depuis une première consultation menée par le promoteur en 2018.
Plutôt que de transformer le minerai sur place, la société prévoit désormais de le transporter en camion vers sa mine North American Lithium à La Corne, située à une soixantaine de kilomètres. Sayona travaille pour produire les nouvelles études d'impact d'ici la fin de l'hiver.
Vue aérienne de la mine North American Lithium, à La Corne. Photo : Vincent Rességuier
"Une constellation de trois mines"
M. Turgeon souhaiterait que les études prennent en compte le contexte actuel. "On ne parle plus seulement d'une seule mine, mais d’une constellation de trois mines, précise-t-il. Les enjeux environnementaux, sociaux et économiques changent, il faut tout refaire."
Les militants réclament donc une évaluation complète de la mine North American Lithium, à La Corne, qui a été inaugurée il y a une dizaine d'années.
"C'est une catastrophe financière, ce projet, mais aussi environnementale, tranche M. Turgeon. Il y a eu des dizaines de millions de litres de contaminants qui ont été déversés dans l'environnement."
Il déplore qu’aucune "évaluation environnementale complète" n'ait été effectuée jusqu’ici, le projet ayant évité le BAPE à l'époque.
"On ne parle plus seulement d'une seule mine, mais d’une constellation de trois mines, précise-t-il. Les enjeux environnementaux, sociaux et économiques changent, il faut tout refaire."
Une préoccupation que partage le directeur de la Société de l'eau souterraine de l'Abitibi-Témiscamingue, Olivier Pitre. Il juge que l'étude hydrogéologique, qui a reçu l'autorisation ministérielle à l’origine du projet, est désuète.
Elle a été faite pour une fosse qui était 45 % plus petite que dans le plan de minage actuel, explique-t-il.
Par souci de cohérence, les deux militants souhaiteraient que des études incluent également le troisième site minier de la société. Le projet Tansim, situé au Témiscamingue, soulève l'opposition de la Première Nation de Long Point. Là aussi, le minerai serait acheminé en camion vers la mine de La Corne.
Des négociations sont en cours avec Sayona qui a interrompu sa deuxième phase d’exploration, en attendant de trouver un accord avec la communauté. Cette dernière estime que ses territoires ancestraux sont menacés et espère obtenir des garanties.